Du lundi 17 au jeudi 20 septembre 2018

Après des rencontres annuelles qui s’étaient déjà déroulées en Alsace en 2017, le GRPM a choisi de revenir dans cette région à l’automne 2018 afin de préparer le colloque d’octobre 2019 consacré à La peinture murale en Alsace au cœur de Rhin supérieur. À cette occasion, nous avons pu rencontrer à Guebwiller nos partenaires des Dominicains de Haute-Alsace et de la Communauté de communes de la Région de Guebwiller. Nos visites se sont ensuite déroulées dans des édifices du Haut-Rhin mais nous sommes également partis à la découverte de quelques sites allemands nous inscrivant dans l’orientation transfrontalière voulue pour le colloque.

L’ancienne église des Franciscains de Colmar, conserve deux polychromies qui sont parmi les exemples les plus intéressants d’Alsace. La première couche, du XIVe siècle, se compose d’un faux appareil à fond rose et joints blancs, faisant référence au grès local. Sur ce fond vivement coloré, l’encadrement des baies se détache en beige avec des joints rouges. Les piédroits sont harpés et un fleuron est peint à la clef de l’arc. Des sondages ont montré qu’il s’agissait de la première couche picturale appliquée sur l’enduit médiéval. Lors de la restauration de 1991-1997, ce décor n’a été dégagé que très ponctuellement à titre de témoin et au Moyen Âge ce décor se poursuivait également à l’extérieur. La deuxième couche, du XVIe siècle, qui occupe l’essentiel des surfaces, est une mise en valeur des articulations se détachant sur le badigeon blanc moucheté des murs. Ce faux appareil se compose d’un fond alternativement rose clair et rose foncé avec des doubles joints noirs et blancs. La mise en couleur plus réduite est à la fois en accord avec l’esthétique de la Réforme et celle des prémices de la Renaissance.


Colmar, Franciscains, nef

Breisach, Saint-Étienne,
Jugement dernier de Martin Schongauer, détail

Au Musée Unterlinden, les œuvres de Martin Schongauer nous ont permis de nous préparer à la visite de l’église allemande de Breisach. Lors de la transformation du couvent en musée en 1850, de nombreux vestiges de peintures murales ont été observés et détruits dans l’ancienne chapelle. Il s’agissait dans la nef d’un cycle consacré à saint Jean-Baptiste et d’un décor héraldique tandis que dans le chœur, les Apôtres, les Prophètes et les Pères de l’Église se dressaient entre les baies. Aujourd’hui, seules deux peintures murales (une Sainte-Catherine de XIVe siècle et une Crucifixion du XVe siècle) subsistent dans des enfeus de la nef et présentent les armes des seigneurs de Hattsatt. Dans le chœur, située en hauteur, peu lisible mais de belle qualité, une représentation d’une Vierge à l’Enfant couronnée par deux anges entourée de quatre saintes mériterait incontestablement une étude approfondie.


Bad-Krozingen


Fischingen

Une journée fut consacrée à des peintures murales de l’autre côté du Rhin. L’église Saint-Étienne de Breisach est réputée pour son Jugement dernier, attribué à Martin Schongauer. Réalisé vers 1490 dans la partie occidentale du Münster il couvre trois pans de murs pour y accueillir le Christ juge et les intercesseurs, le paradis et l’enfer. La qualité picturale est exceptionnelle. À Bad-Krozingen, nous avons découvert la chapelle Saint-Ulrich (ou Glöcklehof-Kapelle) avec un cycle de la vie de saint Jean-Baptiste et une représentation de Caïn et Abel. Cet ensemble pourrait remonter à la haute période romane, vers la fin du Xe ou au XIe siècle. Un bref arrêt à l’église Saint-Paul de Badenweiler nous a permis d’y voir une Rencontre des trois morts et des trois vifs (fin XIVe siècle), thème que le GRPM a étudié et publié dans son ouvrage de 2001. Chaque protagoniste est debout et accompagné d’un long phylactère avec une inscription en allemand. La journée s’est achevée avec la visite de deux églises entièrement peintes au XVe siècle, situées à quelques kilomètres l’une de l’autre : l’église Saint-Pierre de Blansingen avec notamment un cycle de la Passion, un Jugement dernier, un cycle de saint Pierre et les Vierges sages et les Vierges folles (milieu du XVe siècle) ; et l’église Saint-Pierre de Fischingen qui conserve un ensemble réalisé vers 1420-1430 avec un cycle de la Genèse, de l’enfance et de la passion du Christ.

En Alsace, nous avons également visité l’église Saint-Michel de Wihr-en-Plaine dont nous proposerons la découverte in situ lors de notre colloque. Le chœur de ce modeste édifice conserve des peintures murales où le millésime de 1511 était encore visible au XIXe siècle. Les murs sont couverts d’un cycle consacré à sainte Marguerite. Il est composé de neuf scènes relatant sa vie de sa rencontre avec Olibrius jusqu’à son martyre. Chaque scène était accompagnée d’une inscription en allemand. Certains mots sont encore partiellement lisibles et il serait intéressant d’essayer de les déchiffrer. Sur la voûte sont représentés les symboles des Évangélistes et les Pères de l’Église, ainsi que très beaux remplages feints.

Wihr-en-Plaine

Illfurth

Nous nous sommes ensuite rendus à Saints-Pierre-et-Paul d’Ottmarsheim. L’église abbatiale a été consacrée en 1049 par le pape alsacien Léon IX et possède un plan centré formé de deux octogones imbriqués. Lors de notre colloque, Rollins Guild nous présentera le décor peint du XIe siècle. Après avoir observé ces joints peints, nous nous sommes penchés à l’étage sur un cycle de la fin du XVe siècle consacré à saint Pierre. La lecture des scènes nécessiterait d’être reprise, beaucoup de choses incohérentes ayant été écrites. Enfin, notre parcours haut-rhinois s’est achevé avec la Burnkirch d’Illfurth. Le chœur conserve un décor de la deuxième moitié du XVe siècle d’un grand intérêt. Sur l’intrados de l’arc triomphal prennent place les Vierges sages et les Vierges folles. Cette représentation est unique en Alsace mais nous avons vu des peintures très semblables sur l’arc triomphal de l’église allemande de Blansingen qui datent du milieu du XVe siècle. Dans le chœur, se dressent les douze apôtres, seuls ou groupés par deux ou trois. Ils se détachent sur un fond coloré et sur les murs nord et est, ils sont surmontés d’anges aux ailes déployées. Dans la partie supérieure des murs, on peut également voir la Charité de saint Martin à l’ouest et la Messe de saint Martin au sud. La custode portant le millésime de 1455 est incluse dans la représentation picturale avec un Trône de Grâce entre deux anges. Deux petits personnages appuyés sur la custode portent des phylactères avec une inscription relative à l’Eucharistie. Enfin, au-dessus de la baie orientale, le Voile de Véronique est présenté par deux anges et sur la voûte, les symboles des Évangélistes prennent place au sein de nuages stylisés qui longent les nervures. Une première restauration de ce décor a été effectuée durant les années 1860. Des photographies anciennes permettent de voir à quel point ces peintures avaient été dénaturées par cette intervention. Ces repeints ont été supprimés en 1981 mais ce décor n’a donné lieu à aucune étude approfondie.

Ce constat récurrent souligne l’importance d’organiser un colloque consacré à la peinture murale en Alsace.

Anne Vuillemard-Jenn, Ilona Hans-Collas