Didier Jugan

Chercheur indépendant, membre du GRPM

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Résumé : Le sujet vise à aborder quelques-uns des thèmes iconographiques qui seront poussés à l’excès au XVe siècle dans des représentations très complexes pour réaffirmer des principes du dogme romain, la valorisation de Marie qui, par sa conception immaculée et sa fonction quasi-sacerdotale, vient racheter le genre humain compromis par la faute d’Ève, la présence matérielle du Christ dans l’Eucharistie, la réalité du Purgatoire et le principe des indulgences, autant de sujets portés chez les catholiques par les thèmes iconographiques de l’Arbre aux deux fruits (chapelle des Annonciades d’Haguenau), du Moulin mystique (Hohwiller, Niederbetschdorf) et de la Messe de saint Grégoire (chapelle des Annonciades, Ottmarsheim), sujets qui seront à la base de la contestation par les partisans de la Réformation.

Die symbolische deutsche Ikonografie des 15. und 16. Jahrhunderts und ihre Verbreitung in der elsässischen Wandmalerei: die Themen zur Eucharistie

Zusammenfassung: Der Beitrag analysiert einige Themen, die im 15. Jahrhundert in sehr komplexe Darstellungen eingebunden wurden, mit dem Ziel, die Prinzipien des römischen Glaubensdogmas, die Wertschätzung Mariens, die durch ihre unbefleckte Empfängnis und ihre fast priesterliche Funktion, die Menschheit von der Sünde Evas befreit, sowie die materielle Gegenwart Christi in der Eucharistie, die Realität des Fegefeuers und das Prinzip der Ablässe, erneut zu bekräftigen. Diese Aspekte werden bei den Katholiken in den ikonografischen Themen des Baumes mit zwei Früchten (Haguenau, Annuntiaten-Kapelle), der Hostienmühle (Hohwiller, Niederbetschdorf) und der Gregorsmesse (Annuntiaten-Kapelle, Ottmarsheim) ausgedrückt aber von den Anhängern der Reformation zur Grundlage für deren Anfechtung werden.

Le présent article prend appui sur l’étude des peintures murales de la chapelle des Annonciades à Haguenau comme point d’entrée pour une compréhension iconographique de quelques thèmes symboliques des XVe-XVIe siècles, centrés sur la représentation de l’Eucharistie, dont les occurrences sont principalement germaniques.

La chapelle des Annonciades et l’Arbre de vie et de mort

La chapelle Sainte-Catherine des Annonciades se situe dans le centre de la ville de Haguenau et fait partie d’un ancien couvent de la communauté des Repenties ou Pénitentes de sainte Marie-Madeleine. L’ordre est institué en 1227 par Grégoire IX, et leur mission est de remettre dans le droit chemin les filles publiques repenties. Le couvent initialement situé dans le quartier chaud de la ville est transféré vers 1473 intra-muros dans les murs du béguinage Gotfried Voigter Gotteshus[1]. En 1473-1474, la chapelle reçoit alors son décor mural. Il nous reste trois fragments du programme iconographique[2].

La peinture la plus emblématique est celle de l’Arbre de vie et de mort appelé encore Arbre aux deux fruits, située sur le mur sud, qui est malheureusement dans un état lacunaire, surtout dans sa partie supérieure (fig. 1). La partie basse est constituée d’un ensemble de personnages se dressant de part et d’autre du tronc d’un arbre, en position centrale. D’un côté de l’arbre, à droite pour qui fait face à la peinture, Ève, la tête tournée vers l’arbre, mais le corps vers l’extérieur, cache sa nudité de sa main droite. Elle tient, dans sa main gauche, un crâne, figure de la mort, qu’elle présente comme héritage à sa descendance constituée d’un groupe de moins d’une dizaine de personnages sans caractérisation très précise[3]. De l’autre côté de l’arbre, la Vierge a en main un calice avec une hostie qu’elle offre à une population chrétienne bien structurée et menée par sa hiérarchie : le pape et l’empereur, un cardinal, un évêque et un roi, puis un clerc tonsuré et d’autres personnages.

Fig. 1. Haguenau (67), chapelle des Annonciades, mur sud : l’Arbre de vie et de mort (© Ernest Muller)

Le haut de la peinture se poursuit par la cime de l’arbre, mais la partie gauche a pratiquement disparu. La partie droite comporte plusieurs crânes émergeant d’un feuillage vert, comme des fruits mortifères dans un environnement verdoyant. On comprend bien sûr que l’arbre est celui de la connaissance du bien et du mal, l’arbre du péché d’Adam et Ève qui les entraîna, eux et leur descendance, vers la mort. Mais dans le même arbre est représenté le Christ, en partie basse, tenant un objet cylindrique et un étendard, alors qu’un peu plus haut Dieu le père porte aussi le nimbe crucifère.

La présence du Christ sur le même arbre que celui du péché d’Adam nécessite d’être précisée. Du point de vue du dogme : la faute d’Adam l’a entraîné vers la mort. L’infinie bonté de Dieu justifie l’envoi de son fils, le Christ, pour racheter l’humanité. Mais le Moyen Âge a tenté d’établir des ponts supplémentaires entre l’Ancien et le Nouveau Testament par des liens complémentaires ; ainsi la légende du bois de la croix, texte apocryphe rapporté par Jacques de Voragine (vers 1228-1298)[4], permet de comprendre l’unicité d’un arbre qui porte la mort et la vie éternelle : pressé par Adam, mourant, de se rendre au Paradis pour qu’on lui accorde miséricorde, Seth, son fils, en rapporte un rameau de l’arbre du péché, qui permettra à Adam d’être sauvé : planté sur la tombe d’Adam, le rameau devient un arbre qui traverse toutes les périodes bibliques, et dont le bois resurgit du fond de la piscine de Bethesda aux temps christiques. Il servira à faire la croix sur lequel le Christ sera crucifié, et les paroles de l’ange à Seth seront exaucées : Adam sera sauvé quand le bois produira un fruit (le Christ est le fruit de la croix). Un arbre unique sert à juxtaposer la faute et la rédemption. Diebold Lauber (actif entre 1427 et 1471), peintre de Haguenau de la fin du XVe siècle, a illustré par des dessins cette légende de la croix, dans un manuscrit de la Vita Adae et Evae conservé à la Bibliothèque nationale d’Autriche à Vienne[5].

D’autres légendes apocryphes donnent certains détails : après le péché d’Adam, l’arbre de la connaissance du bien et du mal s’est asséché. Seth, au Paradis, en est le témoin[6]. Une des premières représentations de l’Arbre de vie et de mort au XVe siècle, vers 1420 par Giovanni da Modena, sur une peinture murale de la basilique San Petronio de Bologne, est un arbre aux rameaux secs, sur lequel le Christ est crucifié (fig. 2) ; au pied de l’arbre, devant Adam et les prophètes, Ève, poussée par le démon qui s’enroule sur le tronc, cueille le fruit défendu. Un phylactère précise : Per esum vanum destrui[tur] genus humanu[m]/vos moriemini qui[a] clausi ianua[m] celi (« À cause d’une nourriture vaine, le genre humain a été détruit/Vous, vous mourrez parce que j’ai fermé les portes du ciel »). La Vierge, de l’autre côté de l’arbre, avec les apôtres, répond : Resero n[unc] [a]et[h]era q[u]e[mo vobis clauserat eva/per filium meum salvabo quemlibet reum (« Je rends accessibles maintenant les cieux qu’Ève avait fermés/grâce à mon fils, je sauverai n’importe quel coupable »)[7]. À San Petronio, dans la cappella dei Dieci di Balia, la peinture fait face à une autre, la Croix vivante (fig. 3), dans un lien sur lequel nous reviendrons dans cet article.

Fig. 2. Bologne, basilique San Petronio, cappella Santa Croce, mur ouest : l’Arbre sec (© Didier Jugan).

Fig. 3. Bologne, basilique San Petronio, cappella Santa Croce, mur est : la Croix vivante (© Didier Jugan).

Marie nouvelle Ève

Un autre mode de représentation du sujet consiste à séparer les deux arbres (l’arbre donnant la mort avec Ève, celui donnant la vie avec Marie), ce qui est plus proche des écrits canoniques puisque la Genèse parle d’un deuxième arbre, l’arbre de vie, que des chérubins protègent avec une épée de feu, le rendant inaccessible à Adam et Ève chassés du Paradis et à leur descendance. C’est ce mode iconographique qui est utilisé sur un folio d’un manuscrit de la bibliothèque d’Iéna (fig. 4). Il illustre une première fonction du sujet : Marie, considérée comme la nouvelle Ève à l’image du Christ, nouvel Adam. Elle marque la différence de nature entre Ève la pécheresse et Marie pleine de grâce. La miniature d’Iéna (Thüringer Universitäts- und Landesbibliothek, U4, f. 29v), dans un missel bourguignon pour l’empereur Maximilien (1513-1515), accompagne un hymne du compositeur Pierre de la Rue (vers 1460-1518) fait en l’honneur de l’Immaculée Conception (Misa conceptio tua). Le concept d’Immaculée Conception traverse l’histoire du Moyen Âge[8] : les Franciscains pensent que Marie a été conçue hors rapport sexuel, par un baiser entre Anne et Joachim, ses parents, à la Porte dorée, alors que les Dominicains considèrent qu’elle est une femme maculée, ayant eu la tache originelle comme les autres hommes et femmes. On a donc ici une Marie de la pensée immaculiste. Il est significatif de voir ce que dit le phylactère à propos d’Ève : Eva si quidem t[amquam arbor letifera [pro]duxit fructus malos/co[n]cupiscentia[m] secu[n]du[m] carnis originale peccatu[m] (« De même que l’arbre porteur de mort a produit des fruits funestes/ainsi Ève a produit la concupiscence comme conséquence du péché originel »)[9]. C’est sous l’angle de la concupiscence, à l’inclination aux plaisirs sexuels qu’Ève s’oppose à Marie, née hors du péché de chair. À remarquer, le serpent démoniaque, qui incite à la désobéissance et a joué un rôle de tentateur. Il est en mouvement ascendant vers Ève, alors que dans l’arbre de vie, il s’écroule à terre, et selon l’expression issue de la Genèse (3, 15), va être écrasé sous le talon de la Vierge.

Fig. 4. Missel bourguignon pour l’empereur Maximilien, Iéna, Thüringer Universitäts- und Landesbibliothek, U4, f. 29v (© Iéna, Thüringer Universitäts- und Landesbibliothek).

Si l’on revient à la chapelle des Annonciades, cette fonction d’opposition, dans la relation au sexe, entre Eve et Marie, est tout à fait éclairante pour l’éducation d’anciennes prostituées repenties. Une autre peinture murale, très abîmée, de cet édifice va dans le même sens : le Noli me tangere, rencontre du Christ avec Marie Madeleine, femme dont la vie dissolue a été transformée par l’influence du Christ.

La fonction eucharistique et le Lauda Sion

Fig. 5. Salzburger Missale, Munich, Bayerische Staatsbibliothek, Clm. 15708-15712, f. 60v. (© Munich, Bayerische Staatsbibliothek).

Fig. 5. Salzburger Missale, Munich, Bayerische Staatsbibliothek, Clm. 15708-15712, f. 60v. (© Munich, Bayerische Staatsbibliothek).

Une deuxième fonction est dévolue au thème iconographique : la fonction eucharistique. Sur la peinture murale des Annonciades, Marie tient en main le calice sur lequel on voit l’hostie qu’elle va donner en communion, en offrande à la communauté des chrétiens. Le folio d’un manuscrit, le missel de Salzbourg (1478-1489), réalisé pour l’évêque Bernhard von Rohr, conservé à Munich (Bayerische Staatsbibliothek, Clm. 15708-15712, f. 60v) et illustré par Berthold Furtmeyr, va dans ce sens (fig. 5). On y voit Ève cueillant la pomme et la donnant à l’humanité mortelle. Un crâne dans l’arbre et la mort allégorique viennent renforcer la face sombre de l’arbre. De l’autre côté, Marie cueille l’hostie dans ce même arbre où est présente la figure christique. Ayant une véritable fonction sacerdotale, elle donne même l’hostie, la communion, à une population protégée par un ange : c’est bien sûr un sommet dans le culte fait à Marie en cette fin du Moyen Âge. L’illustration accompagne sur la page suivante le Lauda Sion, un texte de Thomas d’Aquin, écrit autour de 1264 pour la messe de la Fête-Dieu à partir d’une séquence musicale grégorienne attribuée à Adam de Saint-Victor. Le dominicain y donne un enseignement fondé sur le dogme de la transsubstantiation, c’est-à-dire la vraie présence du Christ dans l’hostie[10]. Les textes des phylactères de la miniature sont tirés du Lauda Sion[11] :

L’ange : Ecce panis angeloru[m] factus cibus viat[orum] (« Voici le pain des anges qui est la nourriture des voyageurs – ou des pèlerins »).

La mort : Mors est mal[is], vita bonis inde (« La mort est le mal aussi la vie est le bien »).

Ce sont des vers du Lauda Sion, que l’on retrouve, sur les peintures murales de la chapelle Saint-Martin, dite Burnkirch à Illfurth (XVe siècle), dans les phylactères tenus par les anges (entourant un trône de grâce), à côté de l’armoire eucharistique (1455) ; l’ange du bas à gauche : Ecce panis angelorum factus cibus viatorum (« Voici le pain des anges qui est la nourriture des voyageurs »), et celui de droite : Vere panis filiorum non mittendus canibus (« Vrai pain pour les fils – de Dieu –, à ne pas jeter aux chiens »).

L’armoire eucharistique, appelée aussi custode ou sacraire (l’ancêtre du tabernacle), est souvent un petit placard mural dont la fonction est de conserver les hosties consacrées (ce qu’on appelle la réserve eucharistique), donc, du point de vue du dogme, le corps du Christ. Son importance doctrinaire justifie qu’elle est parfois magnifiée, en Alsace et plus généralement dans l’espace germanique de la fin du Moyen Âge, par une réalisation architecturale conséquente ou bien intégrée dans un ensemble de peintures murales relatives à l’Eucharistie.

Dans la chapelle Saint-Michel de Wihr-en-Plaine (Horbourg-Wihr), à côté d’un cycle de la vie de sainte Marguerite, se tient une grande composition (1521), sur le mur nord du chœur, entourant le sacraire, avec la Tombée de la manne qui nourrit la population d’Israël (fig. 6). La manne y est ronde et blanche comme une hostie, pour bien marquer le lien de la nourriture céleste avec le Nouveau Testament et son rôle de préfiguration de l’Eucharistie. À droite du sacraire, le sang du Christ alimente la communion donnée par les anges aux fidèles (fig. 7). C’est donc une seconde allusion alsacienne au Lauda Sion et au pain des anges.

Fig. 6. Wihr-en-Plaine (68), église Saint-Michel, mur nord du chœur : Tombée de la manne et Eucharistie (© Didier Jugan).

Fig. 7. Wihr-en-Plaine (68), église Saint-Michel, mur nord du chœur : Eucharistie (détail) (© Didier Jugan).

Transsubstantiation et Messe de saint Grégoire

À la chapelle des Annonciades de Haguenau, les deux fonctions repérées de l’arbre aux deux fruits trouvent des points d’ancrage. La thématique de la transsubstantiation est renforcée par une peinture murale complémentaire, la Messe de saint Grégoire, sur le mur nord, qui n’est plus visible, cachée par la tribune de l’orgue, mais dont une photo d’archive donne un aperçu partiel. Sous la messe se trouve un texte qui informe que prier devant cette image permettra d’obtenir des indulgences, c’est-à-dire des réductions du temps passé au Purgatoire pour celui qui s’y emploiera (fig. 8).

Fig. 8. Haguenau (67), chapelle des Annonciades, mur nord : la Messe de saint Grégoire (© Région Grand Est, service de l’Inventaire).

Mais avant d’y faire allusion, il importe de comprendre ce qu’est la Messe de saint Grégoire sur un exemple un peu plus lisible. La peinture murale de l’église Saints-Pierre-et-Paul d’Ottmarsheim (fin XVe s.) nous permet de visualiser beaucoup mieux le miracle (fig. 9). Le Christ apparaît à saint Grégoire au moment où il célèbre la messe. La scène est décrite par Jean Diacre au IXe siècle : le pape Grégoire célèbre la messe lorsqu’une femme se met à rire pendant la communion, déclarant à son compagnon qu’elle ne croit pas en la présence réelle du Christ dans l’hostie. Aussitôt, après la prière de Grégoire, l’hostie se transforme en un doigt sanglant. Plus tardivement cet exemplum a évolué : le doute sur la vraie présence du Christ vient d’un assistant du pape, et le Christ descend sur l’autel, avec les stigmates et entouré des instruments de la Passion. C’est ce qu’on voit sur la plupart des œuvres du XVe et du XVIe siècle. C’est une représentation habituelle dans toute l’Europe catholique du XVe siècle.

Fig. 9. Ottmarsheim (68), église, déambulatoire sud-ouest : la Messe de saint Grégoire (© Didier Jugan).

Ce qui est moins fréquent, et qu’on retrouve beaucoup dans la zone germanique, c’est le lien entre la messe de saint Grégoire et l’adoucissement des peines du Purgatoire[12]. Ce pouvoir du saint est lié à une légende : au temps de l’Empire romain, une veuve dont le fils a été assassiné, demande réparation à Trajan. L’empereur punit les coupables. On dit que Grégoire, traversant le forum de Trajan, se serait ému de cette histoire, et aurait libéré Trajan des peines infernales[13]. L’idée sous-jacente est la suivante : dire des prières, faire célébrer des messes pour les morts peut favoriser celui qui s’y emploie dans son devenir (don d’indulgences), et aussi être efficace pour sortir les morts du Purgatoire. La représentation de Haguenau associait le miracle de l’apparition du Christ à Grégoire à Rome dans la basilique Sainte-Croix de Jérusalem (Porta crucis), et l’importance particulière de cette image reproduite, image sainte qui a pouvoir d’accorder des indulgences, une réduction de peines au Purgatoire, à celui qui prie devant elle[14].

Les mots dans la peinture

Un des points délicats dans l’arbre de vie de Haguenau est la transcription des phylactères en allemand, demeurés dans un état lacunaire. Dans les représentations identiques — par exemple, les cas de Bologne, d’Iéna et de Munich — c’est plutôt le latin qui est utilisé. Il faut faire un voyage de quelque 600 km dans l’église rurale de Klerant (Sud-Tyrol) près de Brixen pour retrouver une représentation de l’arbre aux deux fruits en langue vernaculaire. Les textes prononcés par Ève et Marie permettent de comprendre ceux de la chapelle des Annonciades.

Haguenau Klerant
Ève  Ich hab gebrochen gottes gebott … 

 …ch den ewigen Dott

 

Une nuance dans la phrase (« …[je vous donne] la mort éternelle »)

 Ich han geprochen got gebott darumb gib ich euch den piterleichtin tot (« J’ai enfreint le commandement de Dieu, c’est pourquoi je vous donne une mort amère »)
Marie  … mit andacht

 

 Sünder ich hann dich wider pracht .

empfahet die speis mit andacht

(« Pêcheur je t’ai récupéré ; reçois la nourriture avec dévotion »)

À Haguenau, la partie haute de la peinture présente des phylactères avec les paroles de Dieu le Père et celles du Christ, mais les lacunes et l’absence d’équivalent ne permettent pas de comprendre leur message avec cohérence[15]. Il est à noter que le cycle eucharistique de l’église de Klerant comprend, en plus des arbres de vie et de mort, une Messe de saint Grégoire et une Tombée de la manne, preuve s’il en est de la proximité de ces thèmes iconographiques. Les peintures ont été réalisées vers 1474 sans doute sous l’influence du théologien rhénan, Nicolas de Cues (1401-1464), devenu évêque de Brixen à partir de 1450. Son parcours l’a mené de Cues sur les bords de la Moselle, où il est né en 1401, à l’université de Heidelberg (en 1416), puis de Padoue (de 1417 à 1424) à peu près à l’époque de la réalisation de la peinture de Bologne (vers 1420). Le sujet iconographique n’est cependant pas né de la pensée du Cusain, car le thème existe dès le XIVe en Europe de l’Est mais le philosophe rhénan a sûrement influencé son déploiement dans le Sud-Tyrol car, comme Leo Andergassen l’a démontré, on retrouve dans les sermons du prédicateur des allusions au thème des peintures de Klerant[16].

Ancienne loi et nouvelle loi : la Croix vivante

Comme on l’a vu dans la peinture murale de l’arbre de vie et de mort de Haguenau, derrière Marie, c’est la communauté chrétienne organisée avec ses élites civiles et religieuses qui est agenouillée avec dévotion devant la mère de Dieu. Derrière Ève, c’est une population sans structure, nullement marquée par la religion (elle est debout), plus molle et plus portée à suivre Ève dans le péché, une population contemporaine restée dans l’erreur. Le but est d’indiquer aux jeunes prostituées repenties le chemin à suivre.

Dans d’autres représentations, on visualise clairement, derrière Ève, le peuple juif reconnaissable par le chapeau des rabbins[17]. C’est une allusion aux temps bibliques depuis la faute originelle, ceux de l’Ancien Testament, Ève s’adressant aux juifs avant la venue du Christ et le message chrétien. Dans ce contexte de l’opposition entre le christianisme et l’ancienne loi, les arbres du bien et du mal vont s’intégrer dans un autre sujet iconographique, qu’on appelle la Croix vivante, présent à Bologne où il était associé à l’Arbre de vie.

La Croix vivante est une image Christo-centrée où chacun des côtés de la croix est muni d’un bras. Sur la peinture murale de la chapelle Sainte-Croix de Mondovi dans le Piémont (fig. 10 ; vers 1470), à la droite du Christ, un bras couronne l’Église chrétienne (Ecclesia), une figure assimilable à la Vierge, portant une oriflamme et une église-sanctuaire.

Fig. 10. Mondovi, chapelle de la Sainte-Croix, mur du chœur : la Croix vivante (© Didier Jugan).

De l’autre côté, une main assassine la Synagogue (Sinagoga) qui, au sens chrétien, est dépassée par la nouvelle alliance. La Synagogue n’est plus guidée : elle chevauche une bique qui ne la mène nulle part car sa tête est tranchée, et elle la tient, inutilement, dans sa propre main[18]. Si l’on retrouve la thématique des arbres de vie et de mort, le sujet devient annexe, et Ève et Marie ne sont donc plus le point central de l’image : Ève, tenant un crâne, est placée, avec l’arbre du mal, au second plan, derrière la Synagogue ; Marie est derrière l’Ecclesia avec l’arbre du bien. Le troisième bras, en haut de la croix, ouvre la porte du Paradis, ce qui est la fonction dévolue à la première venue du Christ. Un bras tenant un marteau est généralement présent en bas de la croix, qui vient casser les dents d’un Léviathan, les Limbes d’où sont libérés les prophètes qui ont précédé la venue du Christ. Du fait d’une lacune, cette scène est invisible dans la peinture de Mondovi, et il y a parfois, selon les sites, des variations sur le sujet.

Toute la problématique de la Croix vivante tourne autour de la Crucifixion, et les changements que provoque la venue du Christ dans les voies du salut : les limbes des patriarches sont vidés et l’accès au Paradis est ouvert, tout en donnant une importance particulière à l’Église chrétienne face à l’inutilité de la Synagogue[19]. L’importance de la faute et de la rédemption par l’Eucharistie est amenée par l’intégration, modeste, des arbres de mort et de vie au sujet principal, ou en privilégiant la célébration eucharistique par des scènes plus marquées[20]. Même si le thème de la Croix vivante est relativement complexe, ses premiers déploiements remontent au XIVe siècle et on peut se demander si la représentation, comme à Haguenau, d’un Arbre unique du bien et du mal, dont les premières illustrations qui nous sont parvenues ne sont pas antérieures au début du xve siècle, ne dérive pas du thème de la Croix vivante rompant avec la figure centrale du Christ en croix pour orienter la piété vers un culte marial spécifique.

Le Moulin mystique

Un dernier sujet iconographique en relation avec l’Eucharistie, la transsubstantiation et le rôle de l’Église chrétienne comme moteur pour réaliser la transformation dogmatique du pain en corps du Christ, est présent dans la peinture murale d’Alsace ; c’est le thème du Moulin mystique[21], que l’on retrouve dans les églises Saint-Jean-Baptiste de Hohwiller (1491 ; fig. 11) et de l’Assomption-de-la-Vierge de Niederbetschdorf (vers 1500 ; fig. 12), pas très loin de Haguenau. Ce sont de vastes compositions, malheureusement fort retouchées qui se positionnent sur tout un pan de mur, juste au-dessus de l’armoire eucharistique.

Fig. 11. Hohwiller (67), église, nef, mur nord : le Moulin mystique (© Ernest Muller).

Fig. 12. Niederbetschdorf (67), église, nef, mur nord : le Moulin mystique (© Ernest Muller).

 

Fig. 13. Ulm, Ulmer Museum, inv. AV 2150 : le Moulin mystique (© Ulm, Ulmer Museum).

Une description générique du sujet avec peu de variantes, à partir du tableau conservé au musée d’Ulm, plus lisible, permet de comprendre son originalité (fig. 13 ; vers 1470) : le moulin, machine massive actionnée manuellement, domine les représentations. En haut, les quatre évangélistes, le plus souvent figurés comme des êtres humains, ayant chacun la tête correspondant à leur attribut du tétramorphe, déversent dans un vaste entonnoir, placé dans la partie supérieure du moulin, le grain de la Parole, le Verbe divin, substance des quatre livres canoniques du Nouveau Testament, contenue dans quatre sacs à farine. Le moulin est constitué de mécanismes à engrenages que, dans la partie médiane, les apôtres, à la manœuvre, contribuent à mettre en mouvement en tournant une longue manivelle. Dans la partie inférieure du moulin, ce sont généralement les quatre Pères de l’Église d’Occident qui recueillent dans un ciboire les hosties, souvent surmontées d’une figure de l’Enfant Jésus. Dans les deux représentations alsaciennes, fortement retouchées, le modèle n’est pas le même : à Betschdorf, deux évêques reçoivent le corps du Christ, et deux évêques donnent la Communion à un groupe de laïcs (dont deux rois) ; à Hohwiller, c’est un cardinal, un personnage tête nue et un moine qui donnent l’offrande aux fidèles, dont le premier est un évêque.

Dans le Moulin mystique, c’est donc toute l’Église qui participe par l’intermédiaire de ses apôtres, de ses évangélistes, de ses exégètes et de ses prêtres, à la mise en œuvre du dogme, à la fabrication du miracle de la transsubstantiation et à la Communion des fidèles. Le moulin représente l’institution qui est animée par ses saints représentants.

Historiographie allemande

Les sujets iconographiques présentés, l’arbre (ou les arbres) de vie et de mort, thème associé ou non à la Croix vivante, de même que le Moulin mystique, ne sont pas des inédits. Ils ont fait l’objet de deux publications majeures en allemand : Das Lebende Kreuz[22] par Robert L. Füglister et Die Hostienmühlenbilder[23] par Harald Rye-Clausen. Les auteurs ont chacun établi un corpus des œuvres qui les concernaient mais, dans les deux cas, les œuvres alsaciennes à la périphérie de la zone de déploiement, ont été ignorées par ces spécialistes, méconnaissance vraisemblablement liée aux frontières modernes. La poursuite de la recherche a permis ainsi d’actualiser ces corpus (XVe-XVIe siècles) et de remonter parfois à des origines plus anciennes. D’autres œuvres, et bien sûr nos sites alsaciens, peuvent être ajoutées aux corpus de base. Ainsi :

  • Pour l’arbre de vie et de mort, les peintures murales de Haguenau et de la chapelle Santa-Maria Bevazza de Lignano (Vénétie), une miniature du livre d’heures de Catherine de Clèves (vers 1440, New York, Pierpont Morgan Library, ms. M.917/945, p. 139),
  • Pour la Croix vivante associée aux arbres de vie et de mort, les peintures murales de l’abbaye cistercienne de Koprzywnica (Pologne) à la fin du XIVesiècle[24], celles de l’église Saint-Jean-Baptiste de Landasberg (Bavière), de la chapelle Santa Croce de Mondovi (Piémont), celle très lacunaire — il ne reste que les deux arbres — dans l’église Saint-Georges de Ptuj (Slovénie), ainsi qu’un tableau d’une collection privée à Gelsenkirchen (Allemagne) et une sculpture dans l’église Saint-Nicolas de Brzeg (Pologne),
  • Pour le Moulin mystique, les peintures murales de Niederbetschdorf, de Hohwiller, de l’église de l’hôpital d’Allendorf-Bad Sooden (Nord-Hesse) des églises de Tremmen (Brandebourg) et de Deufringen (Bade-Wurtemberg), et la miniature d’un manuscrit du couvent Neuwerk des Ursulines d’Erfurt (Karlsruhe, Landesbibliothek, cod. St Peter perg.44, f. 8v).

La carte de l’annexe (avec la délimitation des évêchés autour de 1500) donne une bonne idée des déploiements de ces thèmes situés en presque totalité dans les limites de l’Empire germanique (fig. 14).

Fig. 14. Carte des déploiements.

Conclusion

La peinture murale symbolique, relative aux représentations de l’Eucharistie, présente en Alsace des sujets communs à toute l’Europe chrétienne tels que la Messe de saint Grégoire, la préfiguration de la Cène par la Récolte de la manne, alors que d’autres épisodes souvent associés, comme la Rencontre d’Abraham et de Melchisédech ou le Retour de Canaan, n’ont pas eu d’occurrence dans la peinture murale alsacienne. L’action des anges dans la distribution de la manne est déclinée aussi dans la Communion via le Lauda Sion et le pain des anges. L’Alsace est surtout marquée par les thèmes iconographiques allemands qui n’auront aucune porosité en France et dans l’Europe de l’Ouest : l’Arbre du bien et du mal où Marie, nouvelle Ève, donne la Communion, le corps du Christ son fils et le Moulin mystique où se manifeste l’importance de l’Église comme institution faiseuse de Transsubstantiation[25].

En cette fin du Moyen Âge, tous ces thèmes illustrés dans la peinture murale alsacienne sont ceux qui seront en débat à l’heure de la Réformation : la structure hiérarchisée de l’Église, l’importance de Marie dans le salut, la vraie présence du Christ dans l’hostie, l’existence du Purgatoire, la pratique des indulgences. L’iconographie et plus directement la peinture murale qui est un vecteur accessible au plus grand nombre participent à cette diffusion des idées et, par la preuve de l’image, à les rendre convaincantes.

Fig. 15 : Haguenau (67), chapelle des Annonciades, mur sud : l’Arbre de vie et de mort, partie basse (© Région Grand Est, service de l’Inventaire)

ANNEXE : Corpus des œuvres par thématique

Les numéros des sites correspondent à ceux qui figurent sur la carte de déploiement de la fig. 14

Arbre(s) du bien et du mal

  1. Vers 1420, Wrocław (Pologne, Basse Silésie), bibliothèque municipale, ms. 1006, f. 3v, miniature de Johannes von Zittau.
  2. Vers 1420, Bologne (Italie, Émilie Romagne), église San Petronio, peinture murale de Giovanni da Modena.
  3. Vers 1440, New York, Pierpont Morgan Library, ms. 917/945, p. 139, miniature du livre d’heures de Catherine de Clèves, réalisé à Utrecht ou Nimègue.
  4. 1465, Berne (Suisse), Burgerbibliothek, Cod. Hist. helv. X50, f. 125, gravure provenant de Berne ou de Bâle.
  5. Vers 1470, Munich (Allemagne, Bavière), Bayerische Staatsbibliothek, Cgm 8010, f. 388, Salzburger Missale, miniature de Berthold Furtmeyr.
  6. 1474, Haguenau (France, Alsace), chapelle des Annonciades, peinture murale.
  7. Vers 1480, Klerant (Italie, Alto Adige), chapelle Sainte-Croix, peinture murale.
  8. 1481, Munich (Allemagne, Bavière), Bayerische Staatsbibliothek, Clm 15710, f. 60v, Münchener Bibel, miniature de Berthold Furtmeyr.
  9. 1513-1515, Iéna (Allemagne, Thuringe), Bibliothèque de l’université, Missel pour l’empereur Maximilien, 4, f. 29, miniature pour l’Office de l’Immaculée Conception.
  10. 1516, Londres, British Museum (cote 1856,0209.253), feuille imprimée à Durlach, aujourd’hui quartier de Karlsruhe (Allemagne, Bade-Wurtemberg) par le frère Nicolas Keibs.
  11. XVIesiècle, Lignano (Italie, Vénétie), chapelle Santa Maria Bevazza, peinture murale.

Croix vivante avec les Arbres du bien et du mal

  1. Fin du XIVesiècle, Koprzywnica (Pologne, Petite Pologne), monastère cistercien, peinture murale.
  2. Fin du XIVesiècle, Zehra (Slovaquie, Kosice), église du Saint-Esprit, peinture murale. Absence de la Vierge ; Ève accompagnée d’Adam cueille la pomme sur l’arbre de la croix.
  3. 1erquart du XVe siècle, Landasberg près d’Haibach (Allemagne, Bavière), peinture murale.
  4. Vers 1465, Pavie (Italie, Lombardie), museo civico, feuille imprimée d’origine allemande.
  5. Vers 1470, Thörl-Maglern (Autriche, Carinthie), église paroissiale, peinture murale de Thomas von Villach.
  6. Vers 1470, Mondovi (Italie, Piémont), chapelle de la Sainte-Croix, peinture murale.
  7. Vers 1470, Wasserburg am Inn (Allemagne, Bavière), église Saint-Jacques, peinture murale sur la façade extérieure de l’église.
  8. 1494-1497, Munich (Allemagne, Bavière), Bayerische Staatsbibliothek, deux miniatures d’un graduel (cote Clm 23041) aux f. 31v et f. 1811v, provenant du couvent des clarisses d’Anger (Munich).
  9. XVesiècle, Ptuj (Slovénie, Basse-Styrie), église Saint-Georges, peinture murale lacunaire.
  10. 2e quart du XVIesiècle, Bruneck (Italie, Sud-Tyrol), Hannesmühle, peinture murale sur la façade extérieure d’un moulin.
  11. 1558, Wrocław (Pologne, Silésie), musée national, tableau d’épitaphe de Georga Mehla provenant de l’église de la Sainte-Croix de Wrocław.
  12. 1570, Brzeg (Pologne, Silésie), église paroissiale Saint-Nicolas, sculpture.
  13. Vers 1575, Gelsenkirchen (Allemagne, Rhénanie-du-Nord-Westphalie), collection privée, tableau (huile sur bois) d’origine allemande.
  14. 1600, Göss (Autriche, Styrie), église Saint-André, peinture murale aujourd’hui disparue connue par une gravure conservée à Lauingen (Allemagne, Bavière).
  15. Début XVIIesiècle, Sankt Lambrecht (Autriche, Styrie), abbaye bénédictine, tableau.

Moulin mystique

  1. Vers 1400, Eriskirch (Allemagne, Bade-Wurtemberg), église paroissiale Notre-Dame, peinture murale.
  2. 1414, Munich, Bayerische Staatsbibliothek, Codex Clm 8201, f. 37, dessin provenant d’un manuscrit du monastère bénédictin de Metten (Allemagne, Basse-Bavière).
  3. 1erquart du XVe siècle, Lucerne, Zentral- und Hochschulbibliothek, graduel, P 19 fol., f. 1, initiale historiée d’un manuscrit provenant de l’abbaye des cisterciennes de Gnadental (Suisse, Aargau).
  4. 1erquart du XVe siècle, Bad Doberan (Allemagne, Mecklembourg-Poméranie-Occidentale), monastère cistercien, panneau d’un retable.
  5. Vers 1420, Tremmen (Allemagne, Brandebourg), église, peinture murale.
  6. 1424, Hanovre, Niedersächsische Landesgalerie, Mus. no182-184, tableau d’autel provenant de l’église franciscaine de Göttingen (Allemagne, Basse-Saxe),
  7. 1434, Tamsweg (Autriche, Salzbourg), église de pèlerinage Saint-Léonard, vitrail.
  8. 2equart XVe siècle, Tribsees (Allemagne, Mecklembourg-Poméranie-Occidentale), église d’un monastère cistercien, panneau de retable.
  9. XVesiècle, Bad Sooden-Allendorf (Allemagne, Hesse), chapelle de l’ancien hôpital sous le vocable du Saint-Esprit, peinture murale.
  10. XVesiècle, Karlsruhe, Landesbibliothek, Cod. St Peter perg. 44, f. 9, miniature d’un graduel provenant du couvent de femmes Neuwerk d’Erfurt (Allemagne, Thuringe).
  11. Vers 1445, Loffenau (Allemagne, Bade-Wurtemberg), église de la Sainte-Croix, peinture murale.
  12. Vers 1450, Malmsheim (Allemagne, Bade-Wurtemberg), église paroissiale, peinture murale.
  13. Vers 1450, Berne (Suisse), collégiale Saint-Vincent, vitrail.
  14. Vers 1450, Rostock (Allemagne, Mecklembourg-Poméranie-Occidentale), Kulturhistorisches Museum, tableau d’un retable de l’église du monastère des cisterciennes de la Sainte-Croix de Rostock.
  15. 1454, Beinstein près de Waiblingen (Allemagne, Bade-Wurtemberg), église paroissiale, peinture murale.
  16. Vers 1466, Padoue (Italie, Vénétie), basilique Saint-Antoine, tableau d’autel aujourd’hui détruit, connu seulement par une copie esquissée (dessin) réalisée vers 1800.
  17. Vers 1460-1480, Deufringen (Allemagne, Bade-Wurtemberg), église Saint-Veit, peinture murale.
  18. Vers 1470, Ulm (Allemagne, Bade-Wurtemberg), Ulmer Museum (prêt de la cathédrale d’Ertingen), panneau de retable venant d’un atelier d’Ulm.
  19. Vers 1480, Mundelsheim (Allemagne, Bade-Wurtemberg), église Saint Killian aujourd’hui chapelle de cimetière, peinture murale.
  20. Vers 1480, Retschow (Allemagne, Mecklembourg-Poméranie-Occidentale), église paroissiale, peinture murale.
  21. 1481, Nuremberg (Allemagne, Bavière), église Saint-Laurent, vitrail.
  22. 2emoitié XVe siècle, Steeg près de Bacharach (Allemagne, Rhénanie-Palatinat), église paroissiale autrefois Sainte-Anne, peinture murale.
  23. 1487 ?, Gryta (Suède, Uppland), église paroissiale, peinture murale.
  24. 1491, Hohwiller (France, Alsace), église Saint-Jean-Baptiste, peinture murale.
  25. Vers 1500, Niederbetschdorf (France, Alsace), église de l’Assomption de la Vierge, peinture murale.
  26. 1521, Berne, Staatsbibliothek, Miscellanea Helvetica, t. 1, H. XXII.112 et Zurich, Zentralbibliothek, Zwingli, 106 b 1, gravure d’un livre imprimé inspiré par la Réforme détournant le sujet à des fins polémiques.
  27. 1534, Erfurt (Allemagne, Thuringe), cathédrale, tableau.
  28. 1remoitié du XVIe siècle, Siezenheim près de Saalach (Autriche, Salzbourg), église paroissiale de la Nativité de Notre-Dame, peinture murale.
  29. 2emoitié du XVIe siècle, Glinka (Pologne, Silésie), église paroissiale Saint-Martin, tableau aujourd’hui détruit.

[1] Toutes les informations générales sur les Annonciades viennent de l’article de Lauriane Meyer, « Les fresques de la chapelle des Annonciades », dans É. CLEMENTZ, C. MULLER, R. WEIBEL (dir.), 1115-2015 Haguenau, 900 ans d’histoire, Illkirch, Société d’histoire et d’archéologie d’Haguenau, 2015, p. 89-105.

[2] Dates inscrites sur les peintures : 1473 pour l’arbre de vie et de mort, 1474 pour la Messe de saint Grégoire.

[3] Des lacunes empêchent d’en établir le nombre exact.

[4] Jacques de Voragine, La légende dorée, A. BOUREAU, M. GOULLET (dir.), Paris, NRF, Bibliothèque de la Pléiade, 2010, p. 363-365 (récit à partir de l’Évangile de Nicodème). Sur l’iconographie du sujet : Barbara BAERT, A heritage of Holy Wood. The Legend of the True Cross in text and image, Leiden-Boston, Brill, Cultures, beliefs and traditions, vol. 22, 2004.

[5] Lutwin, Vita Adae et Evae, Vienne, Österreischiche Nationalbibliothek, Codex Vindobonensis 2980. Voir Mary-Bess HALFORD, Illustration and text in Lutwin’s Eva und Adam, Codex Vindob. 2980, Stuttgart, Kümmerle Verlag, Göppinger Arbeiten zur Germanistik, n° 303, 1980.

[6] Un détail de la clôture du chœur de la cathédrale de Tolède (1376-1399) montre Seth découvrant l’arbre sec avec l’Enfant Jésus dans ses branches et les racines de l’arbre plongeant sur une gueule de Léviathan d’où sort l’âme d’Abel récemment tué par son frère. Voir Marlène DELSOUILLER, « Images de l’arbre sans feuilles des cathédrales de Tolède et de Barcelone (XIVe-XVe siècles) » dans V. FASSEUR, D. JAMES-RAOUL, J.-R. VALETTE (dir.), L’arbre au Moyen Âge, Paris, Presse de l’Université Paris-Sorbonne, 2010, p. 85-99.

[7] Voir Daniele BENATI, Massimo MEDICA (dir.), Giovanni da Modena, un pittore all’ombra di San Petronio, Milan, Silvana Editoriale, 2014.

[8] Marielle LAMY, L’Immaculée Conception. Étapes et enjeux d’une controverse au Moyen Âge (XIIe-XVe siècles), Paris, Institut d’études augustiniennes, 2000.

[9] Sur le manuscrit, voir Bonnie J. BLACKBURN, « Messages in miniature: pictorial programme and theological implications in the Alamire choirbooks », dans B. BOUCKAERT, E. SCHREURS (dir.), The burgundian-Habsburg court complex of music manuscripts (1500-1535) at the workshop of Petrus Alamire, Louvain, Alamire foundation, 2003, p. 161-184.

[10] Sur le sujet, voir également l’ancien retable de l’église de Weiterswiller : Paul PERDRIZET, « Le retable de Weiterswiller », Archives alsaciennes de l’histoire de l’art, vol. 2, 1923, p. 51-64.

[11] D’autres vers du Lauda Sion sont clairs sur le dogme, condition du salut : Docti sacris institutis panem, vinum in salutis consecramus hostiam/Dogma datur christianis quod in carnem transit panis, et vinum in sanguinem/Quod non capis, quod non vides, animosa firmat fides, praeter rerum ordinem (« Instruits par les saints préceptes, nous consacrons le pain et le vin, en offrande sacrificielle pour le salut./Ce dogme est donné aux chrétiens : le pain se change en chair et le vin en sang./Ce que tu ne comprends pas ni ne vois, une ferme foi te l’assure, hors de l’ordre naturel »).

[12] Le tableau d’Enguerrand Quarton à la Chartreuse de Villeneuve-lès-Avignon est bien connu. Des retables catalans de la région de Valence associent également messe de saint Grégoire et libération du Purgatoire. Dans les tableaux allemands, c’est en général, sur un côté de la représentation de la messe, au moment de l’Élévation, qu’on aperçoit des âmes monter au ciel ou bénéficier d’un rafraîchissement à partir d’un filet de sang tombant du calice de l’autel (Cologne, St. Kunibert ; Soest, St. Maria zur Wiese ; Lippstadt, St. Nicolai ; Nideggen, St Johann Bapt. ; Tungerloh, St Antonius ; Lübeck, Sankt Annen Museum, retable Henning van der Heide…). Dans le même esprit, l’iconographie a été jusqu’à associer, sur une peinture murale du Sud-Tyrol, dans l’église de Dietenheim, la messe de saint Grégoire au miracle de sainte Odile, patronne de l’Alsace, qui par ses prières fit sortir son père du Purgatoire. La prière, l’offrande de la messe et les œuvres de charité sont autant d’actions bénéfiques aux âmes du Purgatoire dans l’esprit chrétien d’avant la Réformation.

[13] Jacques DE VORAGINE, La légende dorée, op. cit., p. 237.

[14] Texte de Haguenau (Je remercie Ilona Hans-Collas pour l’aide à la transcription.) : Wer dise Figur knuwen geert mit eime pater noster und eim ave [maria]/Der hat von der ernuwung die sancte gregorien erschint ..i. Ron […]./kirchen hinter porta crucis der ablos der selben kirchen […] ist  XX […]/[…] von zwein bebisten von […] X jar ablos und von X […]/von jedem  – hat beheuget sancte Clemens ns mer  die figur didas/verkundet […]it XXIIII tusent jar ablos utfgesetzeter būs/1474  (« Celui qui, agenouillé, honore cette figure avec un Pater noster et un Ave Maria celui-là a du renouvellement de ce qui est apparu à saint Grégoire à Rome/dans l’église en arrière de la Porta Crucis l’indulgence de la même église [qui] est de vingt… [mille années]/… [et] de deux papes de… années d’indulgence et de X…/de chaque… le pape saint Clément l’a attesté… la figure qui l’/annonce… vingt-quatre années d’indulgence [sur la] pénitence établie/1474 »). L’apparition du Christ à Grégoire a été reproduite sur un nombre important d’images qui y associent le texte accordant des indulgences sous des formes proches, multipliant des images au pouvoir eschatologique. Cette notion d’image sainte est à rapprocher de la diffusion des vera icona, l’image du Christ sur le voile de sainte Véronique. Voir aussi : Karl Heinz GÖLLER, « Der Bildtypus Imago Pietatis: Form und Funktion in der darstellenden Kunst und in der Literatur des späten Mittelalters », dans M. JURAK (dir.), Literature, Culture and Ethnicity. Studies on Medieval, Renaissance and Modern Litteratures, Lubljana, Filozofska Fakulteta, 1992, p. 253-266.

[15] Sous la représentation de Jésus, on distingue simplement « …gesagt dem heiligen Gott… ».

[16] Leo ANDERGASSEN, « Quasi solus Christus. Christozentrik in der Brixner Kunst der Cusanuszeit », dans J. ERNESTI, M. LINTNER, M. MOLING (dir.), Weltereignis Reformation, Anstösse und Auswirkungen/Evento Riforma. Impulsi e sviluppi, (Brixner Theologisches Jahrbuch, 2016), Brixen, Innsbruck, Verlag A. Weger, Tyrolia Verlag, 2017, p. 51-75.

[17] Deux exemples : sur une enluminure de Johannes von Zittau, vers 1420 (Wrocław, bibl. municipale, ms. 1006, f. 3v) et sur une gravure du Maître de Bâle, 1465 (Berne, Burgerbibliothek, Cod. Hist. Helv. X50, f. 185).

[18] L’iconographie d’une Crucifixion associant l’Ecclesia et la Synagoga, dans cette logique de dépassement, existait dès le XIIe siècle dans l’Hortus deliciarum, manuscrit alsacien d’Herrade de Landsberg (réalisé entre 1159 et 1175), sujet amorcé dans le Liber Floridus de Lambert de Saint-Omer (vers 1120) avec la figure du Christ ressuscité entre l’Église et la Synagogue.

[19] Sur une interprétation de la Croix vivante comme sujet antisémite, voir Achim TIMMERMANN, « The avanging crucifix : observations on the iconography of Living Cross », Gesta, vol. 40, no 2, 2001, p. 141-160.

[20] Dans certaines Croix vivante sans représentation des deux arbres, la figure de l’Ecclesia est remplacée par une Messe de saint Grégoire ce qui renforce l’importance eucharistique du sujet (tableau d’Hans Fries à Fribourg, tympan de l’église Saint-Martin de Landshut). Sur la peinture murale de l’église Saint-Timothée-et-Saint-Apollinaire de Louppy-le-Château (Lorraine), la figure de l’Ecclesia est complétée par une scène de communion donnée par un pape. Voir Ilona HANS-COLLAS, « La peinture murale dans le Barrois au temps de René II : une richesse insoupçonnée et méconnue », dans J.-C. BLANCHARD et H. SCHNEIDER (éd.), René II, lieutenant et duc de Bar 1473-1508, Annales de l’Est, n° spécial, 2014, p. 313-345 ; Louppy-le-Château p. 340-344. À Mondovi, de part et d’autre de la Croix vivante avec les deux arbres, deux représentations de messe : celle de saint Grégoire et celle, a priori, de saint Bonaventure (référence au Lignum vitae).

[21] C’est bien sûr le pendant d’un autre thème eucharistique plus connu, le Pressoir mystique, où le corps du Christ, pris en étau dans la presse, saigne sous la vis serrée par Dieu le père. Son sang est recueilli par des représentants de l’Église. Sur le sujet, voir Danièle ALEXANDRE-BIDON (dir.), Le pressoir mystique, Actes du colloque de Recloses, 27 mai 1989, Paris, Cerf, 1990.

[22] Robert L. FÜGLISTER, Das Lebende Kreuz. Ikonographisch-ikonologische Untersuchung der Herkunft und Entwicklung einer spätmittelalterlichen Bildidee und ihrer Verwurzelung im Wort, Einsiedeln, Zurich, Cologne, Benziger Verlag, 1964.

[23] Harald RYE-CLAUSEN, Die Hostienmühlenbilder im Lichte mittelalterlicher Frömmigkeit, Stein-am-Rhein, Christiana-Verlag, 1981.

[24] L’article de Barbara DAB-KALINOWSKA, « XIV – Wieczene malowidlo koprzzywnickie –-misterium biblijne i kosmologiczene », dans K. KALINOWSKI (dir.), Artium quaestiones, t. 1, 1979, p. 55-79, donne une datation fin XIVe siècle pour la peinture murale du monastère de Koprzywnica (Pologne) présentant l’Arbre du bien et du mal associé à une Croix vivante, ce qui en ferait la première représentation connue du sujet. À signaler, une autre Croix vivante du XIVe siècle dans l’église du Saint-Esprit de Zehra (Slovaquie) : la Vierge n’y est pas présente, mais seulement Adam et Ève près de l’arbre de la Croix.

[25] En France, les œuvres du XIIe siècle relatives au Moulin allégorique, un vitrail de Saint-Denis et le chapiteau de Vézelay, issues de la pensée de Suger, sur le renouvellement par le Nouveau Testament, et saint Paul des promesses de l’Ancien et de Moïse, ne peuvent être reliées directement au thème du Moulin mystique développé ici, sinon dans la même logique de la transmission de la parole de Dieu en une seule « église ». Le tableau du musée du Prado, de l’école de Van Eyck, la Fontaine aux hosties, sujet proche réalisé vers 1455-1459, vise au contraire, comme la Croix vivante, à marquer le Triomphe de l’Église et l’échec de la Synagogue par le corps du Christ.

Pour citer cet article : 
Didier JUGAN, « L’iconographie symbolique allemande des XVe-XVIe siècles et ses déploiements dans la peinture murale en Alsace : les thèmes eucharistiques », dans Ilona HANS-COLLAS, Anne VUILLEMARD-JENN, Dörthe JAKOBS, Christine LEDUC-GUEYE (dir.), La peinture murale en Alsace au cœur du Rhin supérieur du Moyen Âge à nos jours, Actes du colloque de Guebwiller (2-5 octobre 2019), Caen, Groupe de Recherches sur la Peinture Murale (GRPM), 2023, mis en ligne en février 2023. URL : https://grpm.asso.fr/activites/publications/colloque-guebwiller/didier_jugan/.