Pasteur Philippe Eber

Paroisse Saint-Pierre-le-Jeune

Télécharger le PDF

Begrüßung durch Pastor Philippe Eber in der Kirche Jung St. Peter in Straßburg

Je suis très heureux de pouvoir vous accueillir en l’église collégiale Saint-Pierre-le-Jeune pour le début du colloque international portant sur la Peinture murale en Alsace au cœur du Rhin supérieur.

L’église collégiale Saint-Pierre-le-Jeune illustre singulièrement l’intitulé de ce colloque (fig. 1). En effet, ses murs sont couverts de nombreuses peintures murales dont certaines remontent au Moyen Âge. Elles furent restaurées ou réinterprétées, complétées ou inventées lors de la dernière grande campagne de restauration entreprise par Carl Schäfer (1844-1908) à la fin du XIXe et au début du XXe siècle (fig. 2).

Fig. 1. Strasbourg (67), église Saint-Pierre-le-Jeune. La nef vers l’ouest (© Seppia, 2013).

Fig. 2. Strasbourg (67), église Saint-Pierre-le-jeune. Bas-côté nord, enfeu. Superposition des couches gothique et néogothique (© Anne Vuillemard-Jenn, 2018).

Ces peintures qui nécessitent aujourd’hui une importante restauration semblent déjà avoir posé problème, notamment à la fin du Moyen Âge. En effet, le chanoine Thomas Wolf[1] consacra vers 1500 une partie de sa fortune pour restaurer certaines de celles du cloître de la collégiale.

L’état de délabrement des peintures de l’église étonne les nombreux visiteurs et les spécialistes qui se succèdent, d’autant plus que dans cet édifice emblématique de la ville de Strasbourg ont survécu, à côté de ces peintures murales, un jubé et un cloître.

Les désordres qui minent aujourd’hui la pérennité de ces peintures ont des origines diverses :

  • les remontées capillaires dans les murs
  • le déferlement du toit des eaux pluviales sur un trottoir en piteux état et dans le cloître situé au nord de l’édifice
  • le drainage déficient de la place Saint-Pierre-le-Jeune
  • le salage en hiver des rues adjacentes et de la place de l’église
  • la pose il y a quelques dizaines d’années de radiateurs sur les murs de l’édifice (fig. 3)
  • la sécheresse consécutive aux récentes canicules qui se multiplient.

Fig. 3. Strasbourg (67), église Saint-Pierre-le-jeune. Bas-côté sud, mur sud. Disparition presque complète de la Généalogie du Christ (© Anne Vuillemard-Jenn, 2018).

Une restauration ambitieuse a été entamée en 2013, sous la direction de Pierre-Yves Caillault, Architecte en chef des Monuments historiques. Elle a notamment permis d’étudier, grâce à l’expertise de Matei Lazarescu, l’état des peintures et de stabiliser momentanément les dégradations (fig. 4). En quelques endroits aussi, les restaurateurs ont opéré des essais de remplacement des enduits à la chaux pour pouvoir ainsi observer leur pérennité. Cette restauration a subitement été interrompue par l’arrêt du financement du Conseil départemental du Bas-Rhin, l’un des quatre grands financeurs du projet de restauration.

Fig. 4. Strasbourg (67), église Saint-Pierre-le-jeune. Bras nord du transept, essai de restauration des peintures du mur sud : Judith devant la porte de Béthulie (© Anne Vuillemard-Jenn, 2014).

En 2019, la Collectivité européenne d’Alsace, qui a succédé au Conseil départemental du Bas-Rhin, a eu l’initiative de relancer le projet de restauration de la collégiale. Malheureusement, sa poursuite a été perturbée en 2020-2021 par la pandémie.

À la suite de plusieurs réunions entre la DRAC, la Collectivité européenne d’Alsace, la Ville de Strasbourg et la paroisse, la maîtrise d’ouvrage a été confiée à la Ville. Les services de cette dernière ont repris l’ensemble du dossier et projettent pour le mois de septembre 2022 de lancer les différentes consultations nécessaires. Il semble donc envisageable d’espérer l’ouverture du chantier de restauration pour 2024.

La paroisse et la ville de Strasbourg partagent la propriété de l’édifice. La paroisse protestante est aussi l’heureuse affectataire de ce lieu emblématique. Elle s’engage sans relâche à faire connaître l’édifice à travers des visites guidées, plus de 70 en 2018, et tout au long de l’année par l’ouverture de l’église aux nombreux visiteurs. Nous en accueillons chaque année entre 80 000 et 100 000. Par les fréquentes visites guidées générales et thématiques, la paroisse met tout en œuvre pour faire connaître les peintures et la théologie qu’elles reflètent, les restaurations successives, mais aussi la spiritualité du Moyen Âge et de la Réforme protestante qui habitent ce lieu unique de la ville et de la région.

L’église collégiale est assurément une charge immense pour une paroisse comme la nôtre, mais elle constitue aussi un témoignage extraordinaire de la foi et la culture des bâtisseurs et de tous ceux qui ont marqué l’histoire de la ville et de Saint-Pierre-le-Jeune. Elle est aussi une chance pour tous ceux qui désirent approfondir leur connaissance du Moyen Âge, de la Réforme protestante, ou de l’annexion de Strasbourg par le roi Louis XIV. L’édifice, ayant servi durant plus de deux siècles aux catholiques et aux protestants, permet à travers l’architecture de découvrir leurs convergences et leurs différences.

La restauration entreprise par Carl Schäfer, qui ressemble beaucoup à celles menées par Eugène Viollet-le-Duc (1814-1879), souligne toutes ces facettes et entraîne le visiteur à découvrir, malgré toutes les différences architecturales qui y cohabitent, une grande harmonie.

Enfin, alors que l’image tient dans la société actuelle une place tellement importante, l’église collégiale Saint-Pierre-le-Jeune, m’apparaît comme un témoignage architectural et spirituel hors du commun !

Permettez-moi de vous redire ma joie de pouvoir vous accueillir ici à Saint-Pierre-le-Jeune (fig. 5) et de conclure avec ces quelques mots que j’emprunte au philosophe Henri Bergson qui disait : C’est la grâce qui se lit à travers la beauté et c’est la bonté qui transparaît sous la grâce. Car la bonté, c’est la générosité infinie d’un principe (de vie) qui se donne. Ces deux sens du mot grâce n’en font qu’un[2] !

Fig. 5. Strasbourg (67), église Saint-Pierre-le-jeune. Ouverture du colloque le 2 octobre 2019 (© Sylvie Decottignies).

[1] « Thomas Wolf der Ält., Kanonikus der 3 Stifte alt- u. Jung St. Peter u. St. Thomas, ließ um 1500 den Kreuzgang von Jung St. Peter wiederherstellen u. mit Wandmalereien versehen », dans Médard BARTH, Handbuch der elsässischen Kirchen im Mittelalter, Bruxelles, Éditions Culture et Civilisation, 1980, col. 1403. Sur Thomas WOLF, voir Charles SCHMIDT, Histoire littéraire de l’Alsace à la fin du XVe et du commencement du XVIe siècle, t. II, Paris, Sandoz et Fischbacher, 1879, p. 58-86 et plus particulièrement p. 59.

[2] Henri BERGSON, La pensée et le mouvant, Paris, Presses universitaires de France, 2003.

Pour citer cet article : 
Pasteur Philippe EBER, « Accueil à Saint-Pierre-le-Jeune de Strasbourg », dans Ilona HANS-COLLAS, Anne VUILLEMARD-JENN, Dörthe JAKOBS, Christine LEDUC-GUEYE (dir.), La peinture murale en Alsace au cœur du Rhin supérieur du Moyen Âge à nos jours, Actes du colloque de Guebwiller (2-5 octobre 2019), Caen, Groupe de Recherches sur la Peinture Murale (GRPM), 2023, mis en ligne en février 2023. URL : https://grpm.asso.fr/activites/publications/colloque-guebwiller/philippe_eber/.